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Cet ouvrage constitue un recueil d’articles et de préfaces écrits par Claude Aziza depuis 1974. Avec des travaux anciens sur Tertullien et le judaïsme dans le cadre de sa thèse, jusqu’à ses écrits récents sur le cinéma de David Wark Griffith et sur la BD érotique (pour un ouvrage que nous avons coordonné), en passant par les éditions intégrales de Quo Vadis ? ou d’œuvres méconnues de Dumas, Gautier, Fenimore Cooper ou Conan Doyle, on voit aisément la diversité des sujets de recherches de celui qui se présente comme un « historien de l’Antiquité fantasmatique ». Seuls quelques écrits de sa production fertile nous sont donnés à lire ou relire ici, ceux qui portent plus ou moins directement sur l’Antiquité ; la science-fiction, qui est bien souvent de l’histoire-fiction, bénéficie aussi d’une place notable mais le western n’est en revanche cité que de manière ponctuelle. Soit quand même une soixantaine de textes, vu l’intense activité de Claude Aziza, pour qui la retraite n’existe pas. Ce recueil de presque 400 pages montre comment un chercheur peut « vivre l’Antiquité » et surtout la faire vivre à ses lecteurs. Ou à son auditoire car Claude Aziza n’est pas qu’un nom sur un article, c’est un personnage, qui sait passionner son public dès qu’il prend la parole avec une approche alliant rigueur scientifique et humour. Et l’on ne s’ennuie pas non plus – loin s’en faut – à la lecture des articles réunis par les éditions Ausonius et préfacés par Olivier Devillers. On apprend beaucoup. Les articles publiés dans des revues universitaires sont bien sûr plus techniques que ceux qui ont pris place dans des revues de vulgarisation (comme L’Histoire, dont Claude Aziza est un collaborateur régulier) ou qui sont la transcription d’intervention dans des lycées (p. 93-94) ou lors de journées de formation pour les enseignants du secondaire (p. 101). L’ensemble des écrits (répartis en trois grandes parties « 1. Mondes antiques : Égypte, Grèce, Rome », « 2. Imaginaire : fantastique et science-fiction, cinéma, BD », « 3. Monde religieux : Juifs et Romains, Juifs et chrétiens, Romains et chrétiens ») pourrait sembler à première vue hétéroclite mais il n’en est rien si l’on considère que le point commun en est la passion de leur auteur pour faire connaître ce qui ne l’est pas assez (dont beaucoup d’œuvres de Dumas) ou pas pour de bonnes raisons (plusieurs pages évoquent ainsi le sort peu enviable, en édition jeunesse expurgée, des Derniers Jours de Pompéi ou de Quo vadis ?). On y découvrira avec plaisir un début de roman écrit par Claude Aziza lui-même pour les élèves de 4e dans le cadre d’un manuel scolaire auquel il a collaboré en 1979 (p. 25-50). Et avec encore plus de surprise l’épitaphe latine que Frédéric Dard avait demandée à Claude Aziza pour un beau-frère qu’il n’appréciait guère (p. 51). Comme certains textes anciens ont sans doute été scannés, il reste quelques coquilles mais qui ne gâchent nullement la qualité d’ensemble de l’ouvrage, dont on appréciera aussi la belle couverture, avec une illustration en pleine page tirée de la célèbre fresque pompéienne de « Bacchus et le Vésuve », que reconnaîtront les amateurs de la série de Rome (HBO), tel Claude Aziza. Pompéi est par ailleurs le lien entre de nombreux écrits de ce recueil, que ce soit par le biais de textes latins ou d’œuvres de la littérature française. Ces mélanges permettent en outre de découvrir un pan sans doute moins connu de l’activité de l’auteur, à savoir l’édition de textes littéraires. Il a ainsi contribué à l’édition intégrale de plusieurs romans historiques au milieu des années quatre-vingt, chez Presses Pocket, dans la collection « Les Grands romans historiques », et dans la décennie suivante aux éditions Omnibus. On appréciera le principe adopté dans ces mélanges, qui consiste à expliquer la genèse de l’article (pourquoi a-t-il eu envie d’écrire sur ce sujet ?) et le regard qu’il porte désormais sur cet écrit, grâce au court paragraphe intitulé « Et maintenant ? » qui suit presque chaque article. Cela permet à Claude Aziza de revenir sur le succès ou l’échec commercial et/ou critique de quelques titres, qui ont conduit certains bien trop vite au pilon (tel fut le sort des Drames romantiques de Dumas, sorti chez Omnibus en 2002). Avec le recul, il semble trouver maintenant une raison à certains de ces échecs : ce peut être le titre trop réducteur, comme celui des nouvelles de Gautier autour du Roman de la momie (p. 61), le choix de la couverture, comme pour les Histoires de monstres et de revenants de Mérimée (p. 199), ou même parfois le regroupement de certains textes, tels ceux qui composent le volume sur Jésus (p. 285). Quant au peu de succès de Jérusalem, le rêve à l’ombre du Temple (Omnibus, 1994), il reste un mystère pour lui. Et parfois le temps ne fait rien à l’affaire : quand on est bon, on est bon. Il revendique donc pleinement certains textes anciens auxquels il ne changerait rien s’il devait les écrire maintenant, par exemple, celui sur « La Crète, les romans du labyrinthe » (p. 73) ou celui sur le Dictionnaire des antiquités romaines et grecques d’Antony Rich (p. 78), qu’il a édité chez Payot, ou encore celui sur les Drames romantiques de Dumas (p. 125), en dépit de l’échec commercial du livre. Mais il insiste surtout sur « le plaisir de la lecture » (p. 116) des années après, en se replongeant notamment dans les Mémoires d’Horace de Dumas. Les heurts actuels entre religions l’amènent toutefois à plusieurs reprises à poser un regard plus pessimiste sur les conflits antiques ; ainsi écrit-il après l’insertion de sa préface à Rome, par ses historiens, paru aux Belles Lettres en 2012 : « Et maintenant ? Je pense qu’il faudrait aujourd’hui insister davantage sur la fin de Rome, prendre parti dans le débat qui oppose ceux qui la voient brutale et ceux qui… ne la voient pas. Peut-être aller chercher davantage dans le passé pour éclairer un présent qui prend des allures de fin de civilisation. Peut-être… », (p. 91, mais voir aussi p. 238 et 317). Il précise ailleurs qu’il développerait quelques passages, comme sur les « Reines de Méditerranée : reines de cœur ou reines de fer ? », (p. 79-87), auxquelles il ajouterait les personnages de Boudicca ou de Sémiramis, pour être plus complet sur le sujet. Il y a nécessairement quelques répétitions lorsqu’on enchaîne la lecture des préfaces des romans historiques mais le défaut est signalé par Claude Aziza lui-même (p. 162). Ce combat acharné pour l’édition intégrale de textes méconnus n’a pas été sans quelques dégâts collatéraux, qu’il reconnaît avec humour. Ainsi la préface au roman Fabiola de Nicholas Wiseman contient-elle la précision suivante : « Genèse. L’édition in extenso de ce roman fut un acte suicidaire qui coula la collection que j’avais créée ! » (p. 163). Il conclut pourtant avec un brin de provocation : « Et maintenant ? Je serais resté dans les mêmes dispositions suicidaires ! » (p. 167). Preuve en est de l’engagement de toute une vie pour l’Antiquité.

Julie Gallego, maître de conférences de latin, Université de Pau et des Pays de l’Adour (CRPHLL)

Publié en ligne le 05 février 2018