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Rédiger une synthèse sur un sujet aussi vaste que les femmes dans un arc chronologique reliant la préhistoire à la fin de l’Antiquité et englobant une large partie du Sahara en même temps que l’Afrique du Nord tenait de la gageure. L’ampleur du sujet et l’hétérogénéité des sources ne permettant pas à l’auteur de tendre à l’exhaustivité, celle-ci a entrepris de rédiger une synthèse thématique qu’elle décline en trois parties, dont chacune est divisée en plusieurs chapitres. Après une introduction évoquant les lacunes de la documentation et la partialité des sources écrites, évidences qu’il est toujours bon de rappeler, la première partie, qui s’intitule « Image », commence par un tour d’horizon dédié à l’aspect extérieur des femmes et réserve une place importante aux illustrations. Les artistes du néolithique, notamment ceux qui œuvraient dans le Tassili n’Ajjer, la Tefedest, le Messak et l’Akakus/Akukas, ont laissé de nombreuses images qui les représentent nues ou tatouées ou portant des toilettes variées : robes longues ou courtes, pantalons moulants, larges corsages, vêtues d’une peau de bête serrée à la taille. De curieux chapeaux coniques surmontent parfois leur tête comme à Tin Tazarift et des anneaux de cuivre ornent leurs chevilles. La documentation se modifie avec l’Antiquité. Stèles, figurines de terre cuite, sculptures renseignent sur les modes vestimentaires carthaginoises puis romaines. Pendentifs, colliers, bagues et autres bijoux trouvés dans les nécropoles en disent long sur la coquetterie des Carthaginoises. Pour l’époque romaine, les diatribes de Tertullien dans le De cultu feminarum confirment les informations fournies par les sources archéologiques tout en décrivant, pour les condamner, les soins que certaines femmes accordaient à leur corps. Le second chapitre, « chasteté, fécondité, obéissance », traite de l’image morale de la femme en détaillant quelques exemples : les inscriptions offrent de précieuses indications sur les idéaux qui imprégnaient la société romaine. La deuxième partie, « Amour, mariage, famille », est divisée en quatre chapitres. Le premier évoque l’union libre et le concubinage, le deuxième, les institutions : le mariage, le divorce et le veuvage. Le procès qu’encourut Apulée pour avoir épousé une riche veuve offre quelques éclairages sur les enjeux matrimoniaux. Notons que, si les militaires n’avaient pas le droit de se marier, au moins jusqu’au règne de Septime Sévère, comme l’auteur l’écrit justement, une distinction s’impose entre citoyens romains et auxiliaires. Tous recevaient après leur service le droit au mariage légitime, les seconds se voyant accorder en plus la citoyenneté. Après quelques considérations dans le troisième chapitre sur la contraception et l’avortement, pratiques peu documentées pour l’Afrique antique, le quatrième, intitulé Mater sanctissima, rappelle que la femme a pour fonction primordiale la procréation. De nombreuses scènes d’accouplement figurent dans le répertoire des artistes du néolithique ; à l’époque romaine, épitaphes et bas-reliefs célèbrent à l’envi la maternité, la fécondité et si la femme y perd la vie, du moins a-t-elle bien rempli son rôle. La dernière partie, « fille, compagne, épouse, mère, et… », est largement consacrée à la participation des femmes aux activités économiques. Elle s’ouvre sur des peintures et gravures rupestres qui les montrent pratiquant la chasse, la pêche, occupées à vanner ou à fabriquer des poteries. Suit un chapitre sur la matrone romaine, qui revient quelque peu sur les vertus dont elle devait faire preuve. La certitude de la paternité pour le mari requérait de la part de l’épouse chasteté, fidélité et fécondité, et la femme qui n’avait été mariée qu’une seule fois jouissait de la considération générale. Ce qui n’empêchait pas ces matrones de sortir et d’aller au spectacle, suscitant l’ire de Tertullien. Les pages suivantes évoquent le travail au féminin. Parmi le personnel servile, la nourrice occupe une position privilégiée au sein de la famille. Si le statut de meretrix reste ambigu, de nombreuses figurines représentent des danseuses, des musiciennes, joueuses de tympanon, de sambuque, souvent méprisées et considérées comme des prostituées quand elles ne sont pas au service des dieux. Les femmes exerçaient aussi des activités dans le domaine de la santé, dans le commerce ; elles savaient gérer un domaine comme le montre l’exemple de Pudentilla, l’épouse d’Apulée. Le chapitre se clôt sur les prêtresses et les patronnes de cités, ces dernières appartenant à la grande aristocratie romaine. Le lecteur trouvera à la fin du volume des indications bibliographiques dans lesquelles quelques travaux auraient mérité de figurer, les équivalences toponymiques et un index qui rendra bien des services. L’auteur a manifesté à plusieurs reprises dans le passé son intérêt pour l’étude des femmes. Le présent ouvrage se distingue par le nombre et la qualité des illustrations, notamment celles qui ont trait au néolithique, la pertinence des citations et le choix des inscriptions qui ponctuent le discours. On sera sensible au rappel des pillages et dégradations, évoqués à la p. 102, avec la quasi disparition d’un panneau sculpté appartenant à un sarcophage de Tipasa. À ce propos, rappelons d’une part les détériorations parfois irrémédiables perpétrées dès 2009-2010 sur de nombreuses peintures dans le Messak et l’Akakus, d’autre part l’action vigoureuse de l’auteur en faveur de la préservation d’un patrimoine menacé.

Claude Briand-Ponsart