< Retour

La personnalité de Louis-François Sébastien Fauvel (1753-1838) connaît un regain d’intérêt {{1}}. Tant mieux, mais il était temps. Cela fait plus d’un siècle que Ph. E. Legrand a publié une biographie – qui reste aujourd’hui encore la seule – sur ce consul qui, « antiquaire », fut aussi le guide de bon nombre d’Européens ayant visité Athènes à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Dès la parution, en 1897, de cette monographie dans la Revue archéologique, son auteur appelait de ses voeux de nouvelles recherches dans les archives pour mieux appréhender ce personnage étonnant, diplomate et archéologue.
Christoph W. Clairmont (1924-2004) était bien placé pour réaliser ce projet, lui qui consacra sa vie de savant à l’étude des stèles funéraires attiques et qui trouva souvent sur son chemin cet érudit – collectionneur et trafiquant – au service du comte de Choiseul-Gouffier, puis de la République française naissante. L’auteur de Patrios Nomos, public burial in Athens during the fifth and fourth centuries B.C. : the archaeological, epigraphic-literary, and historical evidence (1983) et de Classical Attic Tombstones (1993) a disparu sans avoir vu son oeuvre achevée. Mais le manuscrit qu’il avait préparé – une sélection de courriers faite en fonction de l’intérêt de leur contenu archéologique – fait l’objet d’une publication exemplaire. Grâce aux soins de Victorine von Gonzenbach-Clairmont qui a accompli un travail considérable de lecture et relecture et qui a fait de nombreux ajouts au commentaire primitif, on dispose d’un matériel de première importance : une centaine de lettres adressées à Fauvel par une vingtaine de correspondants et conservées à la Bibliothèque Nationale – ensemble auquel s’ajoute une vingtaine de missives, déposées à l’Institut de France et constituant la correspondance de Fauvel avec Louis Allier de Hauteroche (1766-1827).
Les différents interlocuteurs de Fauvel ne sont pas présentés selon l’ordre alphabétique, mais selon l’ordre chronologique de leurs relations épistolaires. Ainsi, le recueil s’ouvre sur les envois du Comte Choiseul‑Gouffier, nommé ambassadeur de France à Constantinople en 1784, et s’achève sur ceux expédiés par Gaspari rappelé à Paris en 1803, et auquel Fauvel succéda à Athènes dans la fonction de consul. Le parti-pris retenu pour la publication – le respect à la lettre des manuscrits – est déroutant pour le lecteur : il aurait sans doute préféré lire un texte en français modernisé et il doit faire quelque effort pour découvrir ce monument épistolaire. Mais ce choix éditorial se justifie : les interventions sur des textes rédigés par des Européens plus ou moins familiers avec la langue française auraient sans doute affadi la saveur de ces documents. On aurait pu cependant moderniser la ponctuation et unifier, en les transcrivant selon l’usage contemporain, les formes verbales. Quoi qu’il en soit, l’appareil critique qui accompagne cette édition est précieux. On apprécie la qualité et la concision des notices biographiques comme des notes qui s’efforcent, malgré les difficultés rencontrées dans l’identification des nombreux individus évoqués, de donner toutes les informations souhaitables. L’index est soigné, tout comme le panorama bibliographique ; le choix d’illustrations qui clôt l’ensemble est suffisant. On est un peu déçu en revanche par l’introduction générale : « Fauvel à Athènes et à Smyrne ». Elle reprend ce que l’on sait d’une carrière commencée en Grèce grâce à Choiseul-Gouffier, soumise aux aléas de l’époque révolutionnaire, et marquée par la rencontre avec des voyageurs prestigieux : Cockerell, Dodwell, Chateaubriand ou Byron. Cette aventure se termine en 1821 avec le départ forcé de Fauvel pour Smyrne et, après sa mort en 1838, avec l’acquisition par l’État français de ses collections, manuscrits et dessins. Il aurait été sans doute utile de prolonger le rappel biographique par un portrait de l’antiquaire au miroir de ses correspondants et par une réflexion plus générale sur la vision des antiquités, du rôle de « l’antiquaire » et du savoir classique dont ses lettres témoignent.

Hervé Duchêne

[[1]]. Voir L. Beschi, J. T Travlos, « La Casa di Fauvel, primo museo ateniense », Ephemeris Archaeologike, 2001, p. 71-120 ; A. Zambon, « Fauvel et les vases grecs », Journal des savants, 2006, p. 3-63 ; J.‑Ch. Moretti, A. Z Zambon, « Fauvel à Délos », Monuments Piot, 2007, p. 165-190. [[1]]