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Cet ouvrage, publié dans la collection « Les Grandes Batailles », débute par une erreur (ou une coquille) dans une partie de son titre, Printemps -338, puisque, et l’auteur le dit très clairement p. 71, c’est à la fin de l’été 338 que la bataille de Chéronée eut lieu. Pour le reste, il s’agit d’un ouvrage d’histoire militaire assez classique selon la triade habituelle « causes, déroulement et clauses ». Il offre une vision qui ne devrait pas apprendre beaucoup aux historiens de l’Antiquité voire aux « amateurs éclairés » mais qui offrira une bonne image des guerres de Philippe de Macédoine aux férus de l’histoire-batailles. Il semble bien que ce soit pour eux que ce livre ait été conçu et, de ce point de vue, on conclura à une réussite.

L’auteur de ce compte rendu n’émargeant pas à cette catégorie, il regrettera des approximations, telles que l’idée soutenue dès l’entame de la naissance d’un « art de la guerre » grâce à Philippe II (p. 2), oubliant par là même les grands stratèges antérieurs que furent Démosthène (à ne pas confondre avec l’orateur d’un siècle son cadet, comme il apparaît dans l’index p. 137), Brasidas ou Épaminondas. Approximations ou erreurs que l’expression d’un parti macédonien dans les cités grecques (p. 42), de faire de Philippe celui qui a relevé Messène (p. 110) alors que l’on préfèrera en accorder la paternité à Épaminondas, et de Plutarque un philosophe (p. 121). Les cartes auraient indiscutablement gagné à être de meilleure qualité. Il existe aujourd’hui de bons logiciels qui permettaient une cartographie plus lisible.

D’un point de vue historique, sans doute la bataille de Chéronée marque-t-elle le passage d’une époque à l’autre (p. 125-126) comme l’auteur l’affirme. Mais, et même si l’on est un adepte de l’histoire-batailles qui postule que les guerres déterminent en priorité les évolutions historiques, ne peut-on dire la même chose de la plupart des grandes batailles de l’histoire grecque depuis Marathon jusqu’à la bataille de Chéronée de 86 ? L’histoire n’est faite que d’inflexions et transitions. Plus généralement, on peut se demander si la guerre lamiaque (322) a véritablement ouvert les yeux des cités grecques sur l’impossibilité à retrouver « leur pleine indépendance » (p. 122). D’abord par le fait que ce terme ne recouvre aucune réalité pour l’immense majorité des cités auxquelles était imposée une domination séculaire par des cités hégémoniques. De plus, lorsque l’on voit une ancienne cité hégémonique comme Athènes se battre avec une énergie renouvelée contre le pouvoir macédonien au III e siècle, se soulever contre le pouvoir romain au début du I er , elle montre que son idéal – appelons-le si on veut, son rêve – de liberté n’a pas disparu, ni avec Chéronée, ni même avec la guerre lamiaque.

Patrice Brun