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Les publications de synthèse concernant Lyon antique se multiplient depuis quelques années, permettant de renouveler sensiblement la documentation et donc l’image que nous offre la « Capitale des Gaules » : après le catalogue des expositions Lyon avant Lugdunum (2003) et Lugdunum, naissance d’une capitale (2005), le volume de la Carte Archéologique de la Gaule (2006), l’ouvrage de M.-P. Darblade-Audouin, paru également en 2006, traite de l’ensemble de « l’iconographie sur pierre ». Comme le veut le principe de la collection du Nouvel Espérandieu, le décor architectural n’est, en effet, pas pris en compte et on ne trouvera pas dans cet ouvrage chapiteaux, entablements, frises, etc.

Ce choix, s’il se comprend parfaitement d’un point de vue pratique (la masse des matériaux à traiter deviendrait très vite ingérable), interdit pour le moment une analyse véritablement pertinente des « ateliers » ayant pu, pour des périodes plus ou moins longues, travailler à Lyon comme le montre la tentative de synthèse donnée dans l’Introduction. Une part importante de la statuaire destinée aux monuments publics et aux plus riches maisons est, en effet, réalisée dans des matériaux tels les marbres, nécessairement importés de l’étranger. La question d’une réalisation sur place de ces oeuvres hors norme demeure donc largement ouverte même si l’Auteure relève d’ores et déjà quelques rapprochements stylistiques qui permettent d’envisager une production régionale (à l’échelle de la Narbonnaise), voire même strictement lyonnaise des oeuvres en marbre.
La contribution de H. Savay-Guerraz consacrée aux seules « roches calcaires dans la sculpture de Lyon » confirme indirectement cette impasse actuelle. En même temps, elle souligne une autre ambiguïté de ce type d’étude limité à la seule sculpture en ronde-bosse ou en bas relief à travers l’analyse qui pourrait être faite d’un usage abondant, surtout au IIe siècle de la « pierre de Fay » : en raison de sa dureté, ce matériau ne peut être véritablement utilisé par les sculpteurs. En revanche, il se prête admirablement à la réalisation d’inscriptions très soignées qui ont depuis longtemps fait la réputation des collections lyonnaises. De ce fait, la rareté des sculptures « gallo-romaines » (par exemple les stèles figurées) constatée à Lyon qui nécessitent, normalement, des calcaires tendres, résulte-t-elle pour autant d’un choix esthétique des commanditaires puisqu’il existait des sources d’approvisionnement possibles relativement proches et largement exploitées au Ier siècle comme la « pierre du Midi » ? Ne peut-on évoquer l’importance des disparitions d’oeuvres réalisées dans ce matériau plus fragile ? En attendant l’examen en cours par D. Fellague du décor architectural lyonnais, je serai plus prudent pour expliquer cette absence que l’Auteure qui invoque, un peu trop unilatéralement, le côté cosmopolite et, pour tout dire, allogène de la population antique locale : les marchands orientaux comme les militaires venus massivement de Germanie (p. XXXIV-XXXV) ne suffisent pas à expliquer, sur le long terme, l’absence d’une sculpture comparable à celle que l’on trouve plus au Nord, à Dijon par exemple. L’étude parallèle du décor architectural et de la sculpture (principalement en ronde-bosse) est indispensable pour tenter de juger la place de Lyon dans ces domaines, son rôle de relais impliqué par son rang de capitale provinciale que suppose entre autres D. Tardy dans son étude des décors de Saintes.
L’imprécision qui entoure la connaissance du lieu de découverte pour de très nombreux numéros du catalogue a empêché l’Auteure d’aborder, de façon satisfaisante, le zoning de l’agglomération antique, dotée, comme on le sait, d’une organisation complexe qui devait tenir compte de la colonie de Citoyens romains, du sanctuaire confédéral et des zones des Canabae. Toutefois, les cartes de localisation (cartes 1 et 2) proposées grâce aux travaux d’A. Desbat, auraient permis, malgré tout, quelques remarques préliminaires : la concentration sur la seule colline de Fourvière est impressionnante. L’abandon précoce de ce secteur n’est pas seul en cause : incontestablement les monuments publics (comme le théâtre) qui y étaient concentrés sont à l’origine des découvertes les plus nombreuses faites à Lyon depuis le XVIe siècle, suivis d’assez loin par la seule nécropole explorée de Lyon (Trion) sur les pentes de la même colline.
Malgré ces quelques remarques, ce travail réalisé dans un temps record par une seule personne (contrairement au précédent volume sur Vienne) à l’exception des deux contributions mentionnées, est incontestablement une réussite. Il permet de donner à Lyon une place méritée dans le développement (et « l’usage ») de la sculpture en Gaule romaine puisqu’on est passé des quelques dizaines d’objets recensés par E. Espérandieu (y compris dans ses divers suppléments) à plus de 500, non compris 38 objets disparus, avec une claire distinction désormais établie entre ceux dont l’origine lyonnaise est certaine, probable ou totalement exclue. L’historique des collections et leurs multiples avatars sont en conséquence longuement détaillés. Les tableaux et indices permettent au lecteur de se retrouver de façon commode dans ce matériel disparate, aujourd’hui encore assez largement dispersé dans différents musées dont tous ne sont pas lyonnais. La qualité de l’illustration comme celle des notices répond aux normes voulues par le responsable de la collection et l’on ne peut que souhaiter voir publier le plus rapidement possible le plus grand nombre de volumes dont la liste exhaustive « en préparation » est donnée à la fin de la Notice Explicative.

Xavier Lafon