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Depuis l’édition Hoefer (1865), il n’y avait eu aucune traduction française de ce livre capital. L’importance du travail est à la hauteur de la longueur de l’attente : 233 p. de présentation (VII-CCXL) comportant 1093 notes ; 124 doubles pages texte et traduction ; 77 p. de notes complémentaires, au total 893 notes qui pour l’essentiel sont des références et des commentaires historiques rédigés sans prolixité aucune. Autant dire que nous disposons à la fois d’une édition critique, d’une traduction et d’un commentaire.

L’établissement du texte est le fruit de longues années de travail initialement entreprises par P. Bertrac. Il est fait avec beaucoup de circonspection (cf. note 849), évitant les corrections inutiles (cf. note 355) et supprimant parfois des corrections précédentes (cf. note 181 ou 599). La traduction est claire et précise.

L’ensemble du volume est une édition de texte. Sagement, les auteurs ont renoncé à établir une bibliographie générale, appelée à être rapidement périmée. On ne trouvera donc que très exceptionnellement, et à propos d’un point particulier (chronologique la plupart du temps), de références aux synthèses classiques ou récentes. En revanche, l’édition italienne avec commentaire de Marta Sordi (1969) et le commentaire d’E. Mac Queen (1995) ont été largement utilisés et discutés, tout comme les études de P. Pédech (1989) et de N.G.L. Hammond (1937) sur plusieurs sources historiques. Car le dessein de P. Goukowski est double : éclairer le texte par de brefs commentaires et la mise en rapport avec les sources historiques (presque toujours à l’état de fragments dont pour les plus importants, une traduction est donnée) et papyrologiques (p. ex. le Pap. Ryland, traduit p. XXXVII-XXXIX ; également, p. ex., n. 267) ; utiliser les résultats d’une Quellenforschung, dont les limites sont clairement montées, notamment à propos de Philippe II. Dans les deux cas, le dossier est mis entièrement sur la table. Dans les deux cas les positions adoptées sont à la fois solides et prudentes.

L’une des difficultés inhérentes au texte de Diodore est le problème des doublons. Après P. Cloché et J. Buckler, P. Goukowski en élimine certains, sans toutefois suivre les positions radicales de N.G.L. Hammond. Il est ainsi amené à se pencher régulièrement sur la chronologie, notamment à propos de la 3ème guerre Sacrée, en reprenant et réexaminant les travaux de J. Buckler et de P. Sanchez.

Contrairement à une opinion habituelle, même s’il est globalement louangeur sur lui, le livre XVI de Diodore n’est pas le livre de Philippe II. En tout cas pas seulement. C’est aussi celui de Dion et de Timoléon. P. Goukowski le montre en consacrant près de 45 % de son introduction à la Sicile contre 45% à l’ensemble de la Grèce au temps de Philippe dont 10% à la guerre Sacrée et 10% à Tachos et à l’Egypte. Dans ces domaines, la portée réelle de l’œuvre de Diodore, avec ses qualités, ses imprécisions (le rôle d’Héracleidès en Sicile est minoré et Denys le jeune est calomnié ; erreurs sur la chute de Tachos en Egypte), et ses lacunes (fin du règne de Dion ; campagne de Philippe II en 338 ou victoire de Philippe II sur les Spartiates après Chéronée), est dégagée et replacée dans l’historiographie antique.

Un tel volume était attendu depuis de longues années. Par le sérieux et la précision du travail, il comble les vœux des historiens et des hellénistes. Il sera désormais impossible d’étudier la période sans s’y référer et sans l’avoir médité.

Jean-Nicolas Corvisier