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Ce volume rassemble une partie des communications présentées lors du colloque qui s’est tenu, du 2 au 4 juin 2007, à Izmir. La manifestation scientifique et cette publication résultent, comme l’indique l’avant-propos des deux éditeurs, Arthur Muller et Ergün Laflı, d’un partenariat franco-turc réunissant le département d’archéologie de l’université Dokuz Eylül d’Izmir, l’École française d’Athènes et le centre de recherche Halma de l’université Lille 3. Même si certains contributeurs ont pris soin d’actualiser leur bibliographie, on regrettera évidemment, s’agissant d’une publication qui est pour partie une chronique de fouilles, l’important retard de la publication par rapport à la manifestation. L’une des raisons expliquant ce décalage vient de l’ampleur de la participation internationale au colloque, au cours duquel furent présentés quarante-cinq communications orales et quatre-vingt-onze « posters ». Finalement, la quasi-totalité des communications et la moitié des « posters », publiées sous le titre Figurines de terre cuite en Méditerranée grecque et romaine, sont réparties en deux volumes : le volume ici recensé est le volume 2, distingué par le sous‑titre Iconographie et contextes ; le volume 1, pourvu du sous-titre Production, diffusion, étude, qui paraîtra plus tard, est annoncé sous l’année 2016 comme Supplément 54 du Bulletin de Correspondance hellénique (sa table des matières est donnée à la fin du volume ici recensé).

Le colloque est présenté comme le premier colloque d’envergure sur les terres cuites, puisque, rejetant l’angle d’approche précis adopté lors de précédentes manifestations, il portait sur les figurines de terre cuite en général, à l’instar de ce qui est régulièrement organisé pour d’autres catégories de matériel (p. 9, n. 2‑3). À lire l’introduction (p. 9-19), le lieu de la manifestation, Izmir, l’antique Smyrne, lieu de production majeur de figurines de terre cuite dans l’Antiquité, appelait à l’origine à mettre l’accent sur la Méditerranée orientale et l’Asie Mineure, du VIIe siècle av. J.-C. au IVe siècle ap. J.-C. ; en fait le colloque, tout en se voulant centré d’abord, dans la Méditerranée orientale, sur l’Asie Mineure, a porté autant sur la Grèce continentale et insulaire et même, davantage que sur les « périphéries » orientales, sur l’Italie du sud et la Sicile, qui – pas seulement pour des questions de diffusion de figurines depuis la Grèce de l’est – ont constitué l’extrémité occidentale de ce cadre géographique.

Dans leur bilan, les éditeurs notent des absences, qu’explique le hasard des propositions. À celles qu’ils relèvent (p. 15), touchant à tel type iconographique ou à telle question de diffusion, on ajoutera la quasi‑absence d’une région, malgré sa situation géographique en Méditerranée orientale et les influences qu’elle a connues et exercées, l’île de Chypre, à laquelle, dans le présent volume, n’est explicitement consacrée qu’une seule communication (p. 589‑603) sur 58 ; deux, sur 32, lui sont consacrées dans le volume 1. Se félicitant de l’impulsion donnée à la recherche en coroplathie (p. 17), les éditeurs soulignent la tenue de colloques postérieurs – et on insistera sur celui qui a pris précisément pour objet, en juin 2013 à Nicosie, à propos des figurines de terre cuite, les réseaux méditerranéens et Chypre aux époques hellénistique et romaine, du Levant à l’Italie[1].

La caractéristique de ce volume, l’absence de thématique précise – même si la majorité des communications portent sur une région, l’Asie Mineure – en fait l’intérêt, tout en en posant les limites. Le colloque fait connaître un riche matériel de trouvailles récentes ou anciennes, « mobilier inédit à foison » qui ailleurs n’aurait pas eu « les honneurs d’une publication » et qui fait « sens dans ce volume », selon les éditeurs (p. 13). Cette surabondance en effet illustre bien la spécificité des figurines de terre cuite dans le monde antique : puisqu’on plaçait ces objets peu coûteux, en abondance et à toute époque, dans certains lieux privilégiés, dont les sanctuaires et les tombes, les fouilles ont bien vocation à en mettre au jour sans relâche et en quantité, comme le montrent les communications du volume. En même temps, l’ouvrage offre l’aspect d’une chronique des fouilles surdimensionnée, à la fois géante et éclatée en raison de l’ampleur du champ envisagé et de la brièveté de certaines contributions – les anciens « posters », qui ne font que deux pages de texte auxquelles s’ajoute, comme pour les contributions longues, une page de résumés et de mots clefs en français et en anglais – faisant naître une impression d’éparpillement devant un kaléidoscope de terres cuites aux aspects et origines si divers.

Cette masse d’objets, présentée en 58 contributions – qui ne peuvent pas, en raison de leur nombre, être abordées ici précisément – est ordonnée par un questionnement attendu sur l’enjeu des documents que sont les terres cuites : le sous-titre, Iconographie et contextes, donne son armature à ce volume 2 des Figurines de terre cuite, après le questionnement sur la production et la diffusion plutôt réservé au volume 1 (les éditeurs signalent, p. 13 n.14, d’inévitables chevauchements entre les deux volumes, certaines communications abordant nécessairement des aspects traités dans des sections différentes). La première partie, intitulée « Iconographie, interprétation, fonction », est divisée en deux sous-parties, « Quelques types iconographiques », avec 11 études, et « Quelques thèmes », avec 8 études : sous ces titres très généraux, il est question par exemple, dans la première sous‑partie, de figurines d’hydrophores, des Sirènes de Myrina ou de terres cuites de gladiateurs provenant de Pompéi ou de la Thrace orientale ; dans la seconde sous‑partie, de protomés féminines, de musiciennes, de danseuses voilées ou de figurines isiaques. La question de la fonction des figurines de terre cuite, liée à leur interprétation, est naturellement associée au contexte dans lequel elles ont été découvertes, qu’il soit le plus souvent votif, mais aussi funéraire et, dans une moindre mesure, « profane », privé ou public. C’est donc sous l’angle du contexte que les études restantes sont distribuées entre deux autres parties : la première partie, « Figurines en contexte : privé, public et funéraire », rassemble, dans sa première sous-partie, « Bâtiments privés et publics », 6 études consacrées à des figurines provenant de maisons, d’Olynthe ou d’Éphèse, et de bâtiments publics tels que les bains de l’Agora de Thessalonique, tandis que la seconde sous-partie, « Mobilier funéraire », rassemble 10 études où il est question de figurines trouvées dans des tombes samiennes, athéniennes, béotiennes, ou encore d’Amphipolis ou de Parion. L’abondance des études portant sur des figurines provenant d’un contexte votif, 23, explique qu’une partie entière soit consacrée à ce type de contexte et soit elle-même divisée en trois sous-parties sur des critères géographiques : « Grèce propre, îles », avec 11 contributions, « Asie Mineure », avec 9 contributions, et « Périphéries », avec 3 contributions. L’ouvrage comprend, ainsi ordonnées, des études synthétiques et surtout un grand nombre d’études de cas. Le « bilan scientifique », soulignant la diversité des approches, insiste sur l’importance du contexte de trouvaille quand il est connu : les contributions sur contextes votifs ont révélé « quantité de petits lieux de culte », constituant un apport précieux à la connaissance des croyances et des pratiques religieuses, tandis que les études sur contextes funéraires, en prenant en compte la totalité du mobilier, permettent d’appréhender le statut social et familial des défunts ; les études sur les contextes dits profanes demeurent rares, en raison d’une richesse moindre de ces contextes et de la difficulté à les exploiter correctement. La question cruciale du contexte peut constituer d’emblée la thématique de manifestations scientifiques à l’angle d’approche précis, comme celles de Lille en décembre 2011 et de Philadelphie en janvier 2012, publiées ensemble en 2015 sous le titre Figurines grecques en contexte, Présence muette dans le sanctuaire, la tombe et la maison.

Parmi les nombreuses contributions, intéressantes à des titres divers, on signalera quelques études d’iconographie, relativement développées, qui prennent en compte, avec les figurines, des documents figurés de diverses sortes, vases, monnaies, bas-reliefs, etc., et des textes (ainsi, l’étude de Maria Deoudi sur Bendis en Asie Mineure, p. 49-59, ou celle de Néguine Mathieux sur les Sirènes de Myrina, p. 67-82) ; des études de types iconographiques rares, comme des poupées masculines articulées d’Éphèse (de Claudia Lang-Auinger, p. 83‑93), des études approfondies de thèmes (ainsi sur les protomés féminines, à propos des protomés de terre cuite de Lètè en Macédoine, par Katerina Tzanavari, p. 165-179); des études sur des trouvailles en contexte domestique (à Olynthe, de Heather F. Sharpe, p. 221-236, avec une étude détaillée des trouvailles par pièce d’habitation, ou encore à Éphèse, d’Elisabeth Rathmayr, p. 267-280, qui prend en compte le reste du décor sculpté de la maison, en pierre, bronze et ivoire, en insistant sur la spécificité du matériau et en faisant le rapprochement avec le décor sculpté des maisons privées de Délos, Priène et Pompéi). Parmi les études consacrées aux figurines en contexte funéraire, on notera les remarques d’Olivier Mariaud sur les formes et fonctions des figurines en terre cuite dans les tombes archaïques samiennes, p. 297-304, celles d’Agnes Schwarzmaier, p. 305-315, sur les « poupées » déposées dans des tombes de jeunes filles à Athènes au Vsiècle, types de figurines qui étaient offerts aussi dans des sanctuaires de divinités féminines, ou encore celles d’Alexandra Harami et Violaine Jeammet, p. 317-331, sur des figurines provenant d’une tombe thébaine, qui, au-delà du contexte funéraire, reposent la question de l’activité d’ateliers coroplastiques à Thèbes ; Margherita Bonanno Aravantinos, p. 333‑348, à propos d’une tombe thébaine encore, du IVsiècle, présente, à côté des figurines, le reste du riche mobilier funéraire. Dans les sanctuaires, le contexte votif des figurines est aussi bien celui de grands sanctuaires (avec une étude de Martine Dewailly et Ulrike Muss, p. 497‑514, sur les vases plastiques à parfum offerts dans l’Artémision d’Éphèse) que de petits sanctuaires locaux (tel celui d’Hyria à Naxos, étudié p. 487‑494 par Evangelia Simantoni-Bournias), à la campagne, dans des grottes ou au sommet d’une montagne (ainsi p. 571-586, pour des figurines offertes dans un sanctuaire du Pont, près d’Amisos, à propos desquelles Lâtife Summerer rappelle, p. 581, une suggestion de Joan Breton Connelly sur le sanctuaire d’Ayia Irini à Chypre, selon laquelle les figurines représenteraient les dédicants adorant perpétuellement).

Ponctuellement, on remarquera que certaines études, même si elles ne pouvaient être amplement développées dans le cadre d’une manifestation généraliste de plus d’une centaine d’interventions, auraient gagné à des comparaisons plus nombreuses ou explicites avec la coroplastique chypriote, très sous-représentée : ainsi, pour les figurines d’hydrophores (p. 44), à propos desquelles on signalera, pour les divinités en rapport, un lien avec Aphrodite et Isis à Amathonte de Chypre, ou pour les figurines isiaques d’Asie Mineure (p. 210-212), qui seraient utilement rapprochées des représentations amathousiennes de la même époque, Chypre, soumise aux Ptolémées, pouvant être un relais depuis l’Égypte[2]. D’un point de vue bibliographique, on ne trouve aucune référence au catalogue des terres cuites chypriotes du Louvre, pourtant publié en 1998 sous l’impulsion d’Annie Caubet, même quand sont faits des rapprochements avec des productions de la Chypre archaïque (par exemple, p. 559 ou p. 589 sq.). De multiples sites sont évoqués au fil des pages : plusieurs sites chypriotes mentionnés dans des textes ou planches ne figurent pas sur la carte générale des sites, p. 18-19 : Kourion (p. 43, 578), Ayia Irini, (p. 127, 129, 581), Amathonte (p. 194), Golgoi (p. 558, 560) – d’autres manquent aussi, comme Théangela, en Carie (p. 561, 562…) ou, plus étonnant, Cnide (p. 562).

Anne Queyrel Bottineau

[1]. Les actes du colloque sont indiqués comme étant sous presse : G. Papantoniou, D. Michaelides et M. DikomitouEliadou dir., Hellenistic and Roman Terracottas: Mediterranean Networks and Cyprus, Proceedings of the Conference Hellenistic and Roman Terracottas: Mediterranean Networks and Cyprus; Archaeological Research Unit, Universiteit of Cyprus; Nicosia, June 3-5, 2013.

[2]. Voir A. Queyrel, Amathonte IV, Les figurines hellénistiques de terre cuite, Athènes 1988, p. 109‑113, pl. 34-35 (hydrophores) et p. 59-73, pl. 14‑22 (Isis).