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Cette publication des actes d’un colloque international qui s’est tenu à Aix-en-Provence du 20 au 22 janvier 2005, s’insère, selon les termes mêmes de ses éditeurs scientifiques (p. 5), dans une réflexion plus globale entreprise sur l’historiographie grecque de la Rome médio‑républicaine. Le point de départ en est cette fois un projet de traduction et de commentaire des Samnitica d’Appien. C’est donc la place tenue par la guerre dans le récit d’Appien qui justifie avant tout le thème retenu pour le colloque. Cependant, comme le suggère clairement le sous-titre de ce livre, la majorité des dix-huit contributions qui y sont regroupées s’attache surtout à mettre en valeur la constitution de différentes traditions historiographiques et c’est là ce qui constitue son intérêt majeur.
La première partie (« Élaboration des sources antiques », p. 11-75) s’interroge sur la façon dont l’historiographie antique a rendu compte des événements et sur la place qu’elle attribue respectivement à la guerre et à la diplomatie dans la victoire romaine. Le prisme déformant de la propagande en faveur de l’impérialisme romain est analysé à partir du cas de Polybe (Marie-Rose Guelfucci, p. 13-25), de Tite-Live (Dominique Briquel, p. 27-40) ou de Diodore de Sicile (Michel Casevitz, p. 55‑60). Les phénomènes de réécriture font l’objet des contributions de P. Corbier sur le récit livien (p. 41-53) et de Maria Teresa Schettino sur le livre VII de Dion Cassius (p. 61-73).
La deuxième partie (« Transmission et réception des historiens grecs du monde romain », p. 77-135) traite des modalités de la préservation des historiens anciens, de langue grecque, à l’époque byzantine. Plusieurs contributions (Joëlle Beaucamp, p. 79-92 ; Emmanuèle Caire, p. 93-111 ; Sylvie Pittia, p. 113-135) s’attachent à montrer comment les choix opérés par les abréviateurs ou les compilateurs du Xe s. contribuent à orienter notre compréhension et notre interprétation des oeuvres originales, et particulièrement de celle d’Appien.
La troisième partie (« Entre guerre et diplomatie, études de cas », p. 137-241) propose des analyses de dossiers particuliers, choisis parce qu’ils se situent précisément aux limites de la guerre et de la négociation : les procédures de deditio (Claudine Auliard, p. 139-156), le traitement des prisonniers de guerre (Clara Berendonner, p. 157-173), la guerre sans déclaration (Ghislaine Stouder, p. 209-222). Trois autres études (Michel Humm, p. 175‑196 ; Mathilde Mahé-Simon, p. 197-207 ; Gabriella Vanotti, p. 223-239) s’intéressent à la découverte mutuelle de Rome et des États hellénistiques et proposent une relecture très stimulante de certains épisodes importants de l’histoire politique du IVe s. en Méditerranée occidentale.
La quatrième partie (« Techniques et tactiques militaires, archéologie de la guerre », p. 243-312) fait place notamment à l’apport de l’archéologie en matière de guerre et d’armement. La question essentielle de la datation et de la classification des armes est ainsi évoquée par Gianluca Tagliamonte à partir du dossier sabellique (p. 289-312) ; Anne‑Marie Adam s’intéresse à la problématique de l’innovation et souligne les importantes modifications techniques et tactiques qui caractérisent selon elle l’Italie du IVe s. (p. 245-257) ; Stéphane Bourdin propose une réflexion sur la puissance militaire des Eques et des Volsques (p. 259‑275) ; pour finir, Xavier Lafon réexamine l’épisode de l’expédition navale dans le golfe de Tarente en 282 pour rappeler la réalité de la puissance maritime atteinte par Rome longtemps avant la première guerre punique (p. 277-288). On peut regretter que, malgré son grand intérêt, cette dernière partie n’intégre la documentation archéologique que comme un contrepoint utile, mais finalement assez secondaire, aux sources littéraires. C’est bien là la principale réserve qu’on peut faire à ce livre foisonnant d’érudition. Mais elle s’explique en partie par la nature même du projet initial.

François Cadiou