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Ce volume collecte les actes du colloque qui a eu lieu le 19-20 septembre 2013 à l’Academia Belgica de Rome. L’ouvrage s’insère dans un domaine d’étude qui depuis une dizaine d’années a pour objet les murs fortifiés comme indicateur de la genèse du processus d’urbanisation, en privilégiant, jusqu’à présent, plutôt les aspects topographiques et architecturaux. On pense en particulier au colloque de « Studi Etruschi », tenu en 2005 et dont le but était de faire le point sur la recherche en Etrurie, à travers la mise en place de plusieurs approches livrant une lecture globale du problème.[1] Quelques années plus tard de nouvelles découvertes ont exigé la reprise de la question et ont donné lieu à un projet d’importance nationale (PRIN 2008), piloté par quatre universités italiennes et le CNR (ISCIMA). Les actes du colloque final, sortis dans 2013, ont permis de relire le phénomène d’une façon diachronique, de la Préhistoire à l’époque médiévale, mais aussi synchronique, en élargissant l’espacé concerné à tout la Méditerranée[2].

Le présent ouvrage s’intéresse plutôt à l’Etrurie méridionale et au Latium et, en particulier, à la relecture chronologique des certaines structures, dont la datation avait été remise en question après les fouilles récentes ou dont la documentation, surtout celle concernant le Latium archaïque, était constituée des rapports des fouilles préliminaires. Ces deux constatations constituent le fil conducteur de l’ouvrage, bien expliqué dans l’introduction par les coéditeurs, P. Fontaine et S. Hélas (p. 13-18). On débute avec des contributions sur les nouvelles données archéologiques, sorties après les années 2000, qui ont rendu nécessaire la révision de la chronologie traditionnelle de certains sites. F. Boitani, F. Biagi e S. Neri (p. 18-35) ont démontré que le secteur septentrional de Veio était déjà fortifié au début de l’âge du Fer, voire même peut-être à la fin de l’âge du Bronze, et que l’utilisation du système en question se prolonge jusqu’au VIe siècle av. J.-C., quand la cité reçoit la première enceinte en opus quadratum. Au sein du même projet, le « Progetto Veio », G. Bartoloni et L. Pulcinelli se focalisent sur le secteur de Piazza d’Armi : l’ouverture d’un sondage à l’intérieur des murs généralement datés au VIe siècle av. J.-C. a permis de donner une nouvelle chronologie à la structure à l’époque haute médiévale (p. 37-50). À l’inverse, la recherche conduite par P. Fontaine à Castellina del Marangone a révélé l’existence d’une muraille, plus ancienne (dernier quart du VIIe siècle av.-J.-C .) que la date traditionnellement retenue (fin VIe-début Ve siècle av. J.-C.), intégrée dans le système de fortification hellénistique qui est encore visible (p. 50-70). La genèse de l’enceinte de Gabii fait l’objet de deux contributions. La première se concentre sur les secteurs nord et nord-oriental de la ville, qui ont dévoilé la présence de traces des habitats précédents l’implantation de la fortification, au cours du VIIe siècle av. J.-C., et à leur modification au fil du temps, jusqu’au moins au IVe siècle av. J.-C. pour ce qui concerne la technique constructive. Les investigations autour du bout septentrional de l’arx ont mis en lumière des structures d’habitats dont on peut observer l’évolution planimétrique, de la cabane rectangulaire à une résidence d’époque orientalisante, suivie d’un bâtiment tripartite, sur le modèle de la regia archaïque, oblitéré dans une phase plus tardive. L’analyse des structures a permis d’établir que les murs d’enceinte sont antérieurs aux édifices du VIe siècle av. J.-C., en confirmant le fait que Gabii existait en tant que ville déjà dans la seconde moitié du VIIe siècle av. J.-C. Une preuve est fournie par les fouilles de l’Université de Bonn, expliquées par S. Helas (p. 91-109), qui se sont focalisés dans deux secteurs, l’un septentrional, l’autre méridional. Le premier a révélé l’existence d’un mur en argile, qui témoigne de la présence d’un petit centré fortifié sur l’acropole au cours du IXe siècle av. J.-C., prolongé dans le siècle suivant par un mur d’aggere. L’enceinte en blocs de tuf est réalisée au VIe siècle av. J.-C. et renforcée au IIIe siècle av. J.-C. La séquence stratigraphique de la zone méridionale est, en revanche, composée par un premier fossé au début du VIe siècle, qui est doublé au siècle suivant et comblé au cours du Ier siècle ap. J.-C.

L’article de G. Cifani e A. Guidi sur les fortifications du territoire d’Antium inaugure la section de l’œuvre relative aux données des fouilles effectuées dans les dernières années du XXe siècle et qui ne sont pas encore publiées (p. 111-124). Les auteurs se sont occupés de l’interprétation des données stratigraphiques des sondages effectués à Colle Rotondo, situé dans la sphère de l’ancienne ville, en les rapprochant d’informations issues des fouilles menées dans les années 1980-1981 à Antium. À Colle Rotondo la première enceinte en bois remonte au IXe siècle av. J.-C et est consolidée au cours des VIe-Ve siècles, tandis qu’à Antium la datation traditionnelle de l’agger au VIe siècle doit être remontée au VIIIe siècle av. J.-C. Les mêmes phases de structuration de l’habitat se retrouvent dans le petit village de Collatia, grâce à la relecture par A. De Santis et S. Musco des investigations archéologiques des années 1970 (p. 125-138). La mise au point des informations relatives aux sondages menés entre les années 1976-1980 à Laurentina Acqua Acetosa par A. Bedini (p. 139-176) a permis de démontrer que la ville a été fortifiée à partir du début de l’âge du Bronze, et que l’enceinte a été renforcée à la fin du IXe siècle av. J.-C. Le site de Ficana est traité dans la contribution de T. Fischer-Hansen, qui présente les fouilles menées par l’Ecole suédoise de Rome au cours des années 1970 (p. 177-198) : la ville aurait été munie à la moitié du VIIIe siècle av.-J.C. d’un rempart avec un fossé. Ce dernier est progressivement tombé en désuétude à cause de l’expansion de l’habitat, entouré par de nouveaux murs au cours du VIIe siècle et avec la mise en place d’un castrum au IVe siècle av. J.-C. Quatre phases de fortification ont été identifiées à Lavinium grâce à l’interprétation, par A.M. Jaja (p. 199-212), de la stratigraphie mise en lumière dans plusieurs sondages : une phase préurbaine qui occupe la zone de l’acropole et un progressif élargissement à la zone de la future ville à travers trois moments successifs, qui se déroulent entre le VIIe et le IVe siècle av. J.-C. M. Gnade s’intéresse à Satricum à l’époque archaïque (p. 213-231), pour lequel il propose l’existence d’un système de défense naturel, renforcé par un rempart qui semble avoir été défonctionnalisé pendant le Ve siècle av. J.-C. Contrairement aux données archéologiques, les sources anciennes se réfèrent par deux fois aux moenia de Satricum durant les guerres entre Romains et Volsques au cours du IVe siècle av. J.-C., témoignant ainsi que la ville était munie des fortifications.

La section qui concerne le Latium vetus se termine par une dissertation de S. Gatti et D. Palombi sur la naissance des circuits défensifs en opus poligonalis, en s’interrogeant sur l’existence des systèmes précédents, dont il ne reste pas des traces, ou sur l’exploitation des défenses naturelles du paysage (p. 233-249). Bien que conscients des limites de la documentation et des problèmes méthodologiques, les auteurs proposent un résumé des systèmes de fortification de l’ancien Latium, en distinguant quatre types différents : le premier, le plus simple et le plus ancien, qui consiste dans l’érection d’un agger avec un fossé ; le deuxième, qui se développe à partir du VIIe siècle av. J.-C., est constitué d’un rempart renforcé par un mur aux fragments irréguliers en pierre; un troisième système, est constitué d’une enceinte continue en opus quadratum, typique du VIe-début Ve siècle av. J.-C. ; le dernier est en opus poligonalis. Ce dernier semble singulier surtout des villes de la région intérieure, qui sont caractérisées par des terrains calcaires et une conformation orographique qui permet une défense naturelle (peut-être valorisée dans les premiers temps avec des enceintes en matériel périssable et non conservées ?). Au contraire, la région qui concerne Rome, le cours du Tibre, les Monts Albains et la côte tyrrhénienne présente des grands plateaux de tuf qui exigent une intégration défensive plus précoce par rapport aux « cités du calcaire ».

Les deux derniers articles donnent à l’ouvrage une dimension méditerranéenne. R. Frederiksen se concentre sur la Grèce archaïque (p. 251-266), en soulignant la masse de documentation pour cette période. Il se propose, à travers la présentation de plusieurs cas d’études, de retracer une sorte d’évolution des techniques et des méthodes de construction, comme par exemple l’ajout de tours au cours du VIe siècle av. J.-C. ou le changement dans les types des portes. M. Fernández-Götz et D. Krausse se focalisent sur les « Fürstensitze » de l’Europe centrale, en particulier sur le cas de Heuneburg, Mont Lassois, Glauberg, dont certains éléments architecturaux permettent de les relier au monde méditerranéen, par exemple l’élévation de murs en briques sur un solin de pierre ou l’emploi de portes également en pierre. En outre, le système de fortification de ces villes, composé d’une succession complexe de remparts et de fossés, fait aussi l’objet d’une relecture symbolique, qui reflète une programmation dans l’organisation spatiale de la part des élites.

L’ouvrage se termine avec la liste des résumés, aussi bien en anglais qu’en italien et en français, même si la majorité des contributions en italien et la dimension internationale du colloque et des participants auraient pu conduire à une rédaction entièrement en anglais de ceux-ci (p. 287-290). A suivre une liste utile des sites (p. 293-294).

Le but initial de « donner la parole » directement aux données archéologiques a été entièrement atteint par chaque auteur à travers une approche qui met à disposition du lecteur un volume considérable d’informations à travers différents outils : photographie aérienne et satellitaire, photogrammétrie, restitutions des prospections géophysiques, cartes topographiques, cartes historiques, plans et sections, matrix, DAO, catalogues du matériel archéologique, graphiques et tableaux. La richesse documentaire est de plus mise en valeur par de nombreuses photographies et restitutions graphiques en couleurs, qui visent à une majeure compréhension (dans quelque cas, qui heureusement restent isolés, la photographie en noir/blanc ne permet pas de bien lire la stratigraphie, voir par exemple p. 42, fig. 6 ; p. 143, fig. 5). Cette approche a aussi donné matière à réflexion pour plusieurs auteurs autour de la question de la nature intrinsèque de la donnée archéologique, dont l’absence de conservation n’est souvent pas indice de l’inexistence des traces. Cet ouvrage privilégie la présentation d’éléments nouveaux et intéressants plutôt que d’essayer de fournir des perspectives de grande portée et des conclusions détaillées. Il constitue un outil précieux pour la suite de la recherche.

Sommaire:

  • Henner von Hesberg – Wouter Bracke, Premessa, p. 7
  • Ringraziamenti, p. 9
  • Elenco degli iscritti e partecipanti, p. 11-12
  • Paul Fontaine – Sophie Helas, Introduzione. Le fortificazioni arcaiche del Latium vetus e dell’Etruria meridionale. Genesi e bilancio di due Giornate di Studio, p. 13-18
  • Francesca Boitani – Folco Biagi – Sara Neri, Le fortificazioni a Veio tra Porta Nord-Ovest e Porta Caere, p. 19-35
  • Gilda Bartoloni – Luca Pulcinelli, Veio. Le mura di Piazza d’Armi, p. 37-50
  • Paul Fontaine, Castellina del Marangone (Comune di S. Marinella, Roma). Sondages stratigraphiques sur l’enceinte «Bastianelli», p. 51-70
  • Marco Fabbri – Stefano Musco, Nuove ricerche sulle fortificazioni di Gabii. I tratti nord-orientale e settentrionale, p. 52-90
  • Sophie Helas, Nuove ricerche sulle fortificazioni di Gabii. Le indagini sul versante orientale dell’acropoli e sul lato meridionale della città, p. 91-109
  • Gabriele Cifani – Alessandro Guidi, Le fortificazioni nel territorio di Anzio, p. 111-124
  • Anna De Santis – Stefano Musco, Vecchi e nuovi dati sui sistemi difensivi della città latina di Collatia, p. 125-138
  • Alessandro Bedini, Laurentina Acqua Acetosa (Roma). Il sistema difensivo dell’abitato protostorico: i dati di scavo 1976-1980, p. 139-176
  • Tobias Fischer-Hansen, Ficana (Monte Cugno). The Fortifications from the Early History of the Settlement, p. 177-198
  • Alessandro Maria Jaia, Le mura di Lavinium, p. 199-212
  • Marijke Gnade, Le fortificazioni arcaiche dell’antica Satricum. Indagini archeologiche nell’area urbana inferiore, p. 213-231
  • Sandra Gatti – Domenico Palombi, Le città del Lazio con mura poligonali: questioni di cronologia e urbanistica, p. 233-249
  • Rune Frederiksen, Fortifications and Archaic City in the Greek World, p. 251-266
  • Manuel Fernández-Götz – Dirk Krausse, Early Centralisation Processes North of the Alps: Fortifications as Symbols of Power and Community Identity, p. 267-286

Flavia Morandini , Université Bordeaux Montaigne

Publié en ligne le 05 février 2018

[1] G. Camporeale dir., La città murata in Etruria. Atti del XXV Convegno di studi etruschi ed italici, Chianciano Terme-Sarteano-Chiusi, 30 marzo-3 aprile 2005, Roma 2008

[2] G. Bartoloni, L. Maria Michetti dir., Mura di legno, mura di terra, mura di pietra: fortificazioni nel Mediterraneo antico. Atti del convegno internazionale, Sapienza Università di Roma, 7-9 maggio 2012, Roma 2013.