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Ce volume d’hommages n’est pas un volume d’hommages comme les autres. Conformément au vœu de la récipiendaire, il s’agissait, pour les contributeurs, de choisir un texte de la littérature latine, de l’expliquer et de dire pourquoi ce texte les avait marqués ou pouvait marquer nos contemporains, afin de « faire vivre ces textes au présent ». En cela, il a parfaitement sa place dans la collection « Scripta Receptoria » d’Ausonius, et l’on peut souhaiter la mise en accès libre prochaine de l’ouvrage pour qu’il puisse toucher le plus large public possible, puisqu’il s’agit d’aller « au-delà des spécialistes ».

La récipiendaire est Sylvie Franchet d’Espèrey, dont la prolifique carrière et production scientifique est rappelée dans l’introduction de Guillaume Flamerie de Lachapelle et Judith Rohman, ses « premiers docteurs », éditeurs de ces mélanges et contributeurs, ainsi que dans la belle bibliographie de la fin du volume, qui s’étend de 1977 à 2018 (avec des contributions à paraître). Dans son avant-propos, elle rappelle les deux versants du métier d’enseignant-chercheur, les travaux scientifiques, mais aussi l’enseignement, et met en avant cette envie de transmettre la richesse inépuisable des textes latins par ceux qui les ont aimés et travaillés.

L’ouvrage est ainsi constitué de 45 explications de textes de la littérature latine (ou grecque pour une contribution), qui en brossent un panorama représentatif, du 2ème s. av. J.-C. (avec Accius, Plaute et Térence) au 2ème s. ap. J.-C., période des auteurs de prédilection de la récipiendaire, et de leurs modèles. Deux articles vont même au-delà, avec une contribution sur Claudien (4ème) et une autre sur Bartolomeo Fonzio (15ème). Quelques auteurs manquent, comme César ou Pétrone, d’autres sont très représentés, comme Virgile (7 fois), mais cela est dû au libre choix des contributeurs. Des textes très connus (les aveux de la Phèdre de Sénèque, le nunc est bibendum d’Horace) côtoient des textes moins connus (un fragment d’Accius). 45 textes, cités dans la langue originale (généralement, quand c’est précisé, repris à l’édition de la CUF), et 45 traductions personnelles. 45 textes, 47 contributeurs (l’article qui se partage entre latin et grec a trois autrices) de plusieurs générations et de divers statuts : enseignants-chercheurs en poste à l’université, en France ou à l’étranger, enseignants du secondaire, conservatrice des bibliothèques, avec une grande représentation des universités où Sylvie Franchet d’Espèrey a exercé comme professeure, Bordeaux Montaigne, et Sorbonne Université. Des contributions volontairement dépourvues de notes, à la bibliographie réduite. Les travaux sont très variés, suivant la sensibilité de chacun : il y a des contributions vraiment scientifiques, des explications littéraires plus traditionnelles, et des textes très personnels qui disent pourquoi un texte latin peut encore les toucher aujourd’hui. Certains travaux combinent des éléments de plusieurs catégories. Les trois premiers textes sont très représentatifs de cet éclectisme : l’ouvrage commence par un fragment d’Accius commenté par Vincent Marztloff, qui va mener une enquête linguistique et philologique érudite, mais qui reste pédagogique, de deux sénaires iambiques de la tragédie ; il se poursuit avec l’étude de l’affrontement entre Sosie et Mercure par Sophie Conte, lecture littéraire et spectaculaire de cette scène célèbre de comédie ; enfin, Sylvie Laigneau-Fontaine propose une lecture très personnelle et très touchante, parce qu’elle entre en résonance avec son histoire personnelle, du monologue de Micion, dans les Adelphes de Térence, qui explique sa conception « bienveillante » (dirions-nous aujourd’hui) de l’éducation de son fils.

Il serait trop long de passer en revue ici ces 45 contributions, d’autant plus qu’elles n’ont pas la prétention d’épuiser les interprétations de ces textes anciens, mais de proposer des pistes d’interprétation, des rapprochements avec le présent, des souvenirs de lecture, des réflexions intimes. Pour être utile au futur lecteur, voici la liste des textes abordés (par ordre chronologique, comme dans l’ouvrage) :

  • Accius, Aeneadae siue Decius 3-4
  • Plaute, Amphitryon 362-409
  • Térence, Adelphes 42-77
  • Lucrèce, De rerum natura 2.333-380
  • Catulle, Carmen 5
  • Cicéron, Tusculane 5.1-2
  • Salluste, Guerre de Jugurtha 93
  • Virgile, Bucoliques 1.1-5 (avec Longus, Daphnis et Chloé 2. 3-7) ; 6.13-30 ; Géorgiques 4.116-148 ; Énéide 4.173-195 ; 7.803-817 ; 8.86-114 ; 11.648-698 ; 12.930-952
  • Horace, Odes 1.37 ; 4.7
  • Tite Live 5.41 ; 30.20 ; 120 (fr.)
  • Ovide, Art d’aimer 1.67-92 ; Métamorphoses 2.210-259 ; Fastes 5.663-690 ; Tristes 4.6
  • Sénèque le rhéteur, Suasoires 1.15
  • Phèdre, Appendix, 31
  • Sénèque, De otio 3-4 ; Phèdre 634-671
  • Lucain, Pharsale 1.98-120 ; 3.1-40 ; 9.348-367
  • Pline l’ancien, Histoire naturelle 2.117-118
  • Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre 9.5.14-21
  • Quintilien, Institution oratoire 2.5.13-20
  • Stace, Thébaïde 12.429-460
  • Martial, Épigramme 10.47 ; 12, epistula
  • Juvénal, Satires 10.346-366
  • Pline le Jeune Lettres 6.17 ; 6.33 ; 8.24
  • Tacite, Histoires 3.22.3-3.23.3
  • Suétone, Vitellius 17
  • Apulée, Métamorphoses 5.2.3-5.4.5
  • Claudien, Rapt de Proserpine 3.146-169
  • Bartolomeo Fonzio, De poetice 1.10-12

La récipiendaire figure au milieu des contributeurs, pour une belle lecture d’un passage de la Thébaïde de Stace, dont elle fait ressentir la force poétique. C’est dire que plus que destinataire de ce volume de mélanges, elle devient destinatrice d’un recueil qui dit la passion de la littérature latine classique.

Marie-Karine Lhommé, Université Lumière Lyon II, Laboratoire HiSoMA

Publié en ligne le 21 juillet 2020