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Avec cette réédition du manuel de Suzanne Saïd publié en 1993 dans la collection Nathan Université, les Belles Lettres mettent à la disposition des étudiants et d’un large public une synthèse claire et bien structurée. Découpé en quatre chapitres, l’ouvrage est enrichi d’un répertoire des écrivains et d’une bibliographie mise à jour.
Les deux premières parties portent sur la typologie et les écritures du mythe ; les deux dernières sur les lectures anciennes et modernes. Sans que le plan ait été modifié d’une édition à l’autre, le texte a gagné en précision. Les ajouts ne se limitent pas aux notes insérées en bas de page, aux prénoms des auteurs ou à des corrections, comme celle sur le nom de Marcel Detienne, orthographié comme il convient sans accent. Suzanne Saïd a inséré plusieurs paragraphes qui complètent cet inventaire des mythes sur le long terme. Ainsi sont présentés les mythes dans les comédies d’Aristophane, est approfondi l’usage qu’en ont fait les historiens à l’époque classique et est développée leur place dans la poésie de Callimaque.
Comme souvent lorsqu’il est question de mythologie, le genre littéraire l’emporte sur la présentation de la société qui l’a modelée, adaptée et revisitée. Ainsi les épinicies de Pindare sont-elles présentées (p. 47) sans être datées (le lecteur doit se reporter au nom de Pindare dans le répertoire en fin d’ouvrage) ni être interrogées dans le cadre des concours (et non les jeux, p. 144), qui leur donnent sens. La juxtaposition des analyses ne privilégie ni une perspective historique ni une hiérarchie thématique. Sur un plan purement littéraire, on peut regretter que le manuel ne soit pas illustré de plus de citations pour traduire la beauté des textes. Les Grecs ont-ils cru en leurs mythes ? Si la question mérite d’être posée, on ne saurait douter du plaisir qu’ils ont pris à ces histoires où l’imaginaire transcende l’indicible du sacré.
Les deux chapitres consacrés aux interprétations anciennes et modernes sont précieux : ils permettent au lecteur de s’orienter dans une historiographie complexe – de l’invention de la mythologie jusqu’à Jan Bremmer, qui définit le mythe comme « un bricolage de motifs variés », à même de décourager toute analyse. Le manuel qui commence par la phrase : « La définition du mythe fait problème », se termine par ces lignes explicites : « la seule conclusion qui s’impose, après ce bref survol, c’est qu’on peut tout faire avec des mythes, les raconter, les réduire à des schémas, les réécrire ou les rêver ». En dépit de la modestie de son auteur, cet ouvrage est plus qu’ « un bref survol » : c’est une introduction utile et élégante à l’étude de la mythologie grecque.

Geneviève Hoffmann